Des aurores boréales observées près de Reims !
Publié par PLANETARIUM DE REIMS, le 28 avril 2023 2.5k
Dans la nuit du 24 avril 2023 aux alentours de minuit, un épisode d’aurores boréales d’une rare intensité a été observé depuis le ciel de St Masmes, petit village situé à une vingtaine de kilomètres à l’est de Reims.
Je vous propose un retour sur cette soirée mémorable, largement relayée sur nos médias locaux, histoire de partager avec vous ce moment inoubliable.
Il est 22h lorsque Geoffroy Prevost, chargé de mission pour l'association Accustica, nous donne l'alerte. Accustica est une association de promotion de la culture scientifique, technique et industrielle basée à Reims, avec qui nous travaillons en étroite collaboration au planétarium.
Après vérification sur différents sites et applications de prévisions de la météo spatiale, il s'annonce effectivement un épisode assez intense, dont la visibilité pourrait s'étendre jusqu'aux latitudes françaises.
Tous les voyants sont au vert pour tenter une observation, à l'exception de la météo terrestre, car à 22h30 la pluie tombe toujours, mettant notre motivation à rude épreuve.
Toutefois, le ciel pourrait s'éclaircir entre minuit et une heure du matin en fonction des sites choisis, et c'est celui de St Masmes qui sera retenu. En effet, d'après les prévisions, la pluie devrait cesser plus tôt, et l'endroit bénéficie d’un ciel sombre, suffisamment éloigné des lumières urbaines pour laisser entrevoir les délicates lumières du nord.
Sans aucune garantie de voir quoi que ce soit, je me lance malgré tout à l'assaut de ces potentielles aurores boréales, car nous avions déjà raté le précédent épisode survenu le 28 février dernier. Pas question donc, de passer une seconde fois à côté !
Arrivé sur place, un vent frais a chassé la pluie, et on aperçoit un joli croissant de Lune, en conjonction avec la brillante planète Vénus, signe que le ciel se dégage par l'ouest… Ca sent bon !
J'installe donc mon matériel au milieu d'un chemin qui sillonne entre les champs. N'étant pas équipé pour faire de la photo je monte simplement mon smartphone sur un trépied. Les pieds dans la boue, je fais quelques réglages, temps d'exposition, sensibilité. Partons sur 16 secondes, 3200 iso, sans oublier le retardateur pour limiter les vibrations, ne reste plus qu'à enchaîner les images !
Je lance quelques poses sur lesquelles on voit les étoiles de la constellation de Cassiopée, le célèbre W, ainsi qu'une vague lueur rouge orangée au-dessus de l'horizon nord. Rien de bien convaincant pour le moment, d'autant que je soupçonne fortement le parc éolien à proximité de parasiter mes images.
Sceptique, et sachant que la météo solaire peut évoluer très rapidement, j'en profite pour vérifier les prévisions, et je découvre un indice Kp de… 8 ! Cet indice nous renseigne sur l'intensité de l'activité géomagnétique, notamment lorsque celle-ci est fortement perturbée par des éruptions solaires. Echelle graduée de 0 à 9, une valeur de 8 est exceptionnellement élevée, qualifiée d'orage magnétique sévère par les météorologues de l'espace.
Donc, ça vaut le coup de rester sur place, il va certainement se passer quelque chose si l'on est patient. Je relance une nouvelle série de poses, et j'attends. Mais la magie ne tarde pas à opérer ; au bout de quelques minutes à peine, je vois des teintes de rose et de violet apparaître à l'écran : cette fois plus aucun doute n'est permis, ce sont bien des aurores boréales !
Il est à noter que ce phénomène est particulièrement discret sous nos latitudes, et ne se révèle généralement bien qu'en photo. Je jette tout de même un œil attentif au ciel, et après quelques minutes d'accoutumance à l'obscurité, il me semble distinguer autre chose que des étoiles dans Cassiopée. Et rapidement cela devient très net, des colonnes luminescentes verticales se dessinent, apparaissent, puis disparaissent, mais cela bouge à vue d'œil !
Je n'avais jamais observé d'aurores polaires auparavant, et ma seule référence était celle des magnifiques photos prises en Norvège ou en Islande. Evidemment, les couleurs chatoyantes de ces images échappent à nos yeux, bien incapables de les détecter dans des conditions de si faible luminosité. Mais on aperçoit dans quelques tons de gris, ces rideaux qui semblent se déplacer en quelques secondes devant les étoiles, puis s'évanouir aussitôt.
Pendant ce temps, les poses photographiques se poursuivent, le spectacle à l'écran est à peine croyable, mais une chose est certaine, je ne rentrerai pas bredouille de cette escapade nocturne totalement improvisée !
J'ai hâte de pouvoir partager tout ça avec mes amis et collègues…
Un peu avant une heure du matin, les aurores s'estompent finalement après trois quarts d'heure d'une activité particulièrement soutenue. Elles redeviennent progressivement imperceptibles à l'œil nu, et il ne reste plus à l'écran que quelques vagues lueurs violettes.
Ce sont ces images qui sont compilées dans le time lapse qui a circulé un peu partout sur les réseaux, et joint à cet article, que je repartage pour le plus grand plaisir de vos yeux !
Et maintenant que va-t-il se passer ? Aura-t-on de nouveau la chance de revoir ce spectacle dans la région ?
Les aurores surviennent lorsque des particules électriquement chargées en provenance du Soleil interagissent avec les molécules de la haute atmosphère terrestre.
En effet, suite à une éruption solaire, ces particules sont éjectées de la surface de notre étoile à des vitesses pouvant atteindre, voire dépasser les 500 km/s. Si une éruption se produit en direction de la Terre, elle nous atteint donc environ trois à quatre jours plus tard.
Cette matière solaire se retrouve alors en partie piégée par le champ magnétique de notre planète, qui va guider les particules solaire vers les pôles terrestre. C'est leur rencontre avec l'atmosphère, qui provoque l'ionisation des gaz de cette dernière à différentes altitudes. Ainsi échauffé, l'oxygène tend à émettre du vert, tandis que l'azote émet des teintes plutôt rosées. L'oxygène étant davantage présent dans les couches atmosphériques les plus basses, le vert des aurores boréales est très rarement visible à nos latitudes. Nous voyons plus facilement le rose, car la lumière provient de couches atmosphériques beaucoup plus hautes.
L'épisode de ce début de semaine était d'une intensité exceptionnelle, qui nous a permis d'en profiter à des latitudes inhabituelles, un peu partout autour du globe, hémisphère sud compris. Outre-Atlantique, des aurores boréales ont même été observées dans le ciel mexicain dans les heures qui ont suivi !
En cette période de forte activité solaire, qui devrait se poursuivre jusqu'en 2024, et peut-être un peu au-delà, les éruptions solaires ne sont pas particulièrement rares. Mais comme les distances qui nous en séparent sont immenses, la plupart du temps nous ne sommes pas sur leur chemin.
Si vous aussi chers lecteurs, voulez vous offrir une chance d'observer des aurores boréales à 10km de chez vous, je vous invite à consulter régulièrement des sites de prévisions comme www.spaceweather.com ou des applications mobiles comme Aurora Alert pour vous tenir informés en temps réel de la météo spatiale.
Je remercie chaleureusement Geoffroy Prevost, qui n'a pas pu assister au phénomène en personne, mais qui m'a permis, grâce à son œil attentif aux prévisions, d'être aux premières loges de cet inoubliable spectacle !
Crédits photos/vidéos : Jérémy PINCHON / Planétarium de Reims / L'Union
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