Boîte à outils de l’écotoxicologie – épisode 1
Publié par 50ans Ecotox, le 25 novembre 2021 2.4k
Comme au début de tout bon film, il est important de poser les bases et de se familiariser avec les différents protagonistes. Ce n’est souvent pas la partie la plus dynamique, mais elle est indispensable pour s’imprégner du contexte. Accrochez-vous bien pour assimiler encore quelques notions qui vous seront très utiles pour comprendre la suite de l’histoire (-passionnante-) de l’écotoxicologie !
Évaluation des risques environnementaux
L’évaluation des risques environnementaux est indispensable pour préserver au mieux les milieux naturels. Le risque environnemental que représente un contaminant dépend de sa toxicité et de l’exposition des êtres vivants à ce contaminant. D’ailleurs, on parle plus précisément d’écotoxicité lorsque l’on fait référence aux effets d’un contaminant sur l’environnement. Plus un contaminant sera écotoxique, plus il sera considéré comme dangereux pour l’environnement, et inversement, moins un contaminant sera écotoxique, moins il sera dangereux. L’exposition à un contaminant fait référence à la probabilité que les organismes vivants soient en contact et en interaction avec ce contaminant.
Si les organismes vivants sont directement en contact et donc exposés à un contaminant connu pour être dangereux, le risque environnemental sera considéré comme très élevé (situation C, Figure 1). Si au contraire les organismes vivants ne sont pas du tout exposés à ce même contaminant dangereux, le risque environnemental sera considéré comme faible (Situation A, Figure 1). Par ailleurs, la situation B de la figure 1 illustre le fait que, même si les organismes ne sont pas en contact direct avec le contaminant, ils se trouvent à proximité d’une zone contaminée et pourront subir des effets indirects de cette contamination (exemple ici avec une contamination de l’air suite au rejet du contaminant dans l’eau). Le risque environnemental dans ce cas sera considéré comme élevé.
Figure 1 : Illustration de l’équation : risque environnemental = danger x exposition
Notons que si un contaminant peu dangereux se retrouve dans l’environnement à de très fortes concentrations et que l’exposition est élevée, le risque environnemental sera élevé. Par ailleurs, si un contaminant très dangereux se retrouve dans l’environnement à de faibles concentrations, le risque sera tout de même considéré comme élevé (Figure 2).
Figure 2 : Illustration des différentes nuances en matière de risque environnemental relatives à l’écotoxicité d’un contaminant et de l’exposition à ce contaminant.
Vous l’aurez bien compris, l’écotoxicité et l’exposition sont deux paramètres fondamentaux pour déterminer le risque environnemental que représente un contaminant. Alors concrètement, comment étudie-t-on l’écotoxicité d’un contaminant ? Et comment est-il possible d’évaluer l’exposition des organismes vivants à un contaminant ?
Etudier l’écotoxicité des contaminants
Pour évaluer l’écotoxicité des contaminants dans un but d’évaluation des risques, on réalise ce que l’on appelle des « bioessais », « tests écotoxicologiques » ou encore « biotests », normalisés à l’aide d’un protocole très détaillé. Un bioessai consiste à exposer soit des cellules, soit un ou plusieurs organismes de la même espèce à une substance à tester. Ces cellules ou ces organismes sont placés dans un récipient contenant un « milieu », qui n’est rien d’autre qu’un environnement simple avec des conditions de température, de lumière, de pH et d’oxygène connues, on parle alors de « conditions contrôlées ». Ainsi, on est capable de créer autant de répliques identiques que nécessaire de ces « petits bout de nature » composés d’un milieu et de cellules ou d’organismes. Chaque « petit bout de nature » représente ce que l’on appelle « un réplicat ».
Pour tester l’écotoxicité d’une substance, on va laisser quelques réplicats sans y ajouter la substance en question, ce seront des témoins de l’état de santé des cellules ou organismes. Ils permettront de voir comment les cellules ou les organismes vivants se comportent en l’absence de la substance. Parallèlement, on ajoutera la substance à tester à quelques autres réplicats, à une concentration très faible, puis à d’autres réplicats à une concentration un peu plus élevée et ainsi de suite de sorte à pouvoir évaluer les effets de la substance à différentes concentrations de plus en plus fortes.
Les différents réplicats non exposés (les témoins) et exposés à différentes concentrations évoluent durant un temps donné, fixé par un protocole normalisé. Une fois ce temps d’exposition écoulé, les différents réplicats sont examinés afin d’évaluer les effets de l’ajout de la substance sur différents paramètres. La majorité des tests écotoxicologiques utilisés en évaluation des risques étudient les effets des contaminants sur le taux de reproduction, la croissance, la survie sur des organismes modèle[1].
Grâce aux bioessais, on peut déterminer des grandeurs décrites dans la figure 3 ci-dessous.
Figure 3 : Définition des grandeur indicatrices de l’écotoxicité
Ces grandeurs, obtenues à l’aide des bioessais « normalisés », donnent des informations sur l’écotoxicité et donc la dangerosité des contaminants. Elles sont ensuite utilisées pour établir des réglementations afin de protéger l’environnement.
Ces bioessais « normalisés » ne sont pas les seuls tests écotoxicologiques dont on dispose, nous vous présenterons les autres dans un article dédié.
Après avoir présenté la notion de « risque environnemental », nous avons répondu à la question « comment étudie-t-on l’écotoxicité d’un contaminant ? » MAIS nous ne vous avons pas encore dévoilé comment il est possible d’évaluer l’exposition des organismes vivants à un contaminant, on vous laisse déjà digérer tout cela et on vous retrouve très vite pour la suite de l’histoire !
Références bibliographiques
[1] Snape, Jason R., Steve J. Maund, Daniel B. Pickford, et Thomas H. Hutchinson. « Ecotoxicogenomics: The Challenge of Integrating Genomics into Aquatic and Terrestrial Ecotoxicology ». Aquatic Toxicology 67, no 2 (avril 2004): 143‑54. https://doi.org/10.1016/j.aqua...
De plus, nous ne pouvons que vous encourager à aller faire un tour sur le site internet https://ecotoxicologie.fr/ si vous souhaitez découvrir des notions complémentaires autour de l'écotoxicologie.
Anne Vicente, Docteure en écotoxicologie, Consultante en Médiation des Sciences
ainsi qu'un grand merci au comité de relecture :
Davide Vignati, Chargé de Recherche CNRS (LIEC, Université de Lorraine, CNRS)
Laetitia Minguez, Chargée de Recherche CNRS (LIEC, Université de Lorraine, CNRS)
Paule Vasseur, Professeur de Toxicologie, émérite (LIEC, Université de Lorraine, CNRS)
Jean-François Masfaraud, Maître de Conférences (LIEC, Université de Lorraine, CNRS)