Le houblon et ses propriétés
Publié par Musée Européen de la Bière, le 26 mars 2020 3.4k
Depuis 2007 le jardin du Musée de la Bière est agrémenté d’une houblonnière, un ensemble composé de 27 pieds de houblon plantés au cœur du jardin et destinés à garnir certaines installations du musée. L'usage du houblon en brasserie s'est généralisé à partir du Moyen Âge. Vous avez vous-même très certainement déjà lu le nom de houblon sur les étiquettes de bière, mais que savez-vous réellement sur lui et ses propriétés ?
Avant toute chose, ce n’est pas la plante de houblon qui est utilisée pour la bière mais bien ses fleurs, et pas n’importe lesquelles ! L’ensemble fait partie de la famille des cannabinacées, la même que celle du cannabis. C’est une plante grimpante aux tiges rêches et touffues qui peut atteindre jusque 8 mètres de haut et vivre pendant 25 ans. En milieu sauvage, le houblon se retrouve dans des endroits frais (clairières, lisières) et proches de l’eau. En culture, il nécessite quelques installations, notamment des perches assez hautes plantées dans le sol et liées entre elles par des câbles tendus pour laisser la plante grimper et se développer.
Les fleurs sont de deux types : mâles et femelles. Les plants mâles sont regroupés en grappes et ressemblent à de petites fleurs vertes tandis que les plants femelles, en se développant, vont former des cônes vert pâle tels des petites pommes de pin.
Et c’est précisément ces cônes qui vont servir à la bière. La récolte se fait chaque année, de fin août à fin septembre suivant les espèces, il existe plus de 230 variétés différentes cultivées dans le monde !
Si le brasseur n’utilise que les cônes des plants femelles c’est parce que sous ses feuilles se cachent des bractéoles, sortes de petits réservoirs à lupuline. Cette lupuline se présente sous la forme de poudre jaunâtre odorante et ses propriétés sont exceptionnelles. Reconnue pour avoir un effet sédatif sur le corps grâce à ses huiles essentielles (d’où cette sensation de bien-être après avoir bu une bière), la lupuline peut être consommée en tisane pour favoriser le sommeil et réduire le stress. Elle est également conseillée, et ce depuis le VIIIème siècle, comme calmant pour les problèmes digestifs.
Mais si les cônes de houblon sont utilisés dans la bière c’est pour d’autres raisons. La lupuline est composée d’acides alpha et bêta. Ces acides ont un pouvoir conservateur et antiseptique permettant à la bière de mieux se conserver dans la durée et ne pas être infectée. De plus, ils favorisent la tenue de la mousse grâce à leur réaction avec les protéines. Et ce qui intéressera le plus les consommateurs et les brasseurs sont bien évidemment l’amertume et les arômes que dégagent les cônes une fois infusés dans le moût en ébullition.
Sans le houblon ou sans aromates, les bières seraient fades, voire même écœurantes. Suivant la variété utilisée, le taux d’acides alpha sera différent. S’il s’agit d’un houblon dit « amérisant », les acides alpha seront nombreux (entre 9 et 15%) et donneront de l’amertume à la bière. Cette dernière est à l’origine de la sensation de fraîcheur de la boisson. Dans le milieu brassicole, l'amertume d'une bière est mesurée en IBU : International Bitterness Unit, ou unité internationale d'amertume. Pour provoquer cette amertume sans rendre la bière imbuvable, les brasseurs infusent généralement ces houblons en début d’ébullition. Au bout de qurante-cinq minutes, les composés amers du houblon se dégagent enfin et se mélangent au moût. La durée d'ébullition étant d'environ une heure, cela permet à l’amertume de « s’évaporer » avec le temps. L’amertume est particulièrement mise en avant dans les bières de type India Pales Ales et les Bitters anglaises mais les houblons utilisés proviennent ,pour beaucoup, des Etats-Unis.
Si, a contrario, il s’agit d’un houblon « aromatique » celui-ci contiendra moins d’acides alpha (entre 3 et 8%) et, par conséquent, une amertume moins prononcée et des saveurs beaucoup plus développées grâce aux huiles essentielles. Et quand on parle de saveurs, certains houblons peuvent libérer un goût très proche de celui de fruits rouges ou de fruits exotiques tels que le pamplemousse, le citron ou la mangue ! Mais pour exploiter au maximum ces saveurs, il est conseillé de ne pas infuser ce type de houblon trop tôt car ces essences sont très volatiles. Ainsi, en le plongeant dans le moût en fin d’ébullition, le brasseur mettra en valeur ses saveurs florales, fruitées ou épicées.
Une autre technique, appelée Dry Hopping en anglais ou houblonnage à cru, consiste à infuser le houblon aromatique dans le moût une fois la fermentation primaire terminée. Ainsi le houblon ne libère aucune amertume dans la bière mais dévoile des saveurs qui auraient pu être perdues lors de l’ébullition. On retrouve ces houblons aromatiques principalement en Europe continentale : France, Allemagne, Autriche, Pologne, République-Tchèque..). Au Musée de la Bière, le houblon que nous cultivons est le Strisselspalt, une variété de houblon aromatique alsacien dévoilant des notes de citron et d’épices !
Ce sont les huiles essentielles présentes en grande quantité dans la lupuline qui dévoilent les saveurs du houblon. Elles sont au nombre de quatre et font partie de la famille des terpènes, des hydrocarbures naturels très odorants produits par les plantes : le myrcène, l'humulène, le caryophyllène et le farnésène.
Le myrcène est un hydrocarbure que l'on retrouve principalement dans les houblons amérisants américains. Une fois dégradé, il dégage un parfum de fruit (pêche, raison, citron) voire même de vinaigre balsamique ! C'est un hydrocarbure que l'on retrouve également dans d'autres plantes que le houblon, notamment le persil, le fenouil et le cannabis.
L'humulène et le caryophyllène sont des hydrocarbures présentant des notes épicées ou boisées, présents dans de nombreuses variétés de houblons aromatiques anglais et allemands. On les retrouve également dans la composition des clous de girofles, l'origan et le poivre.
Enfin, le farnésène, apporte une touche plus florale à la bière. Son parfum ressemble à celui de certaines plantes comme le magnolia ou la lavande. Présent également dans la pomme, la poire, le gingembre ou le raisin, le farnésène se sent principalement dans les houblons aromatiques d'Europe de l'Est.