De l'Orge à la Bière ! (Partie I)
Publié par Musée Européen de la Bière, le 24 août 2020 7.6k
Maltage
La bière est une boisson fermentée à base de céréales. Nous allons aujourd’hui nous intéresser à ces céréales et plus particulièrement au malt, orge germée.
Justement, le Musée de la Bière est situé dans une ancienne malterie ce qui va nous permettre de parler du procédé de maltage.
Pourquoi transformer l’orge en malt ?
Les céréales contiennent naturellement de l’amidon. C’est une molécule de sucre complexe, c'est-à-dire composée de plusieurs molécules de sucre simple (glucose), qui sert de réserve d’énergie à la graine pour germer. Dans le processus de brassage, les levures vont utiliser du sucre pour le transformer en alcool et en CO2. Cependant, l’amidon est trop complexe pour être assimilable par les levures d'autant plus qu'il est protégé par une membrane. Le maltage est indispensable pour activer les enzymes nécessaires à la transformation de l’amidon en sucres fermentescibles (c’est-à-dire en sucres simples). Celles-ci vont découper les chaînes d’amidon en petits sucres assimilables et donc transformables en alcool par les levures. D’où la nécessité du maltage !
Pour faire plus simple, l’amidon est comme un collier de perles chaque perle représente un sucre simple. Le collier est trop grand pour être utilisé par les levures, elles ne peuvent utiliser que des perles. Il faut donc décomposer le collier en plusieurs perles.
De plus, lors du processus de maltage le grain est également chauffé : selon les différentes températures de chauffe la couleur ainsi que la saveur de la bière vont changer.
Pourquoi le choix de l’orge ?
Les boissons fermentées se retrouvent aux quatre coins du monde : elles sont produites à partir des aliments de base des populations locales (orge, blé, riz, maïs, sorgho.) Au fil du temps les bières ont été fabriquées avec diverses sortes de céréales, mais à partir du Moyen-Age, en Europe on privilégie l’utilisation de l’orge comme le montre la « loi de pureté de la bière » édictée en Bavière en 1516. Le Reinheitsgebot impose comme seuls ingrédients à pouvoir entrer dans la composition de la bière : l'orge, le houblon et l'eau. La préoccupation principale étant d'empêcher les gens d'utiliser les céréales panifiables, comme le blé, pour faire de la bière.
Aujourd’hui on utilise un peu de malt de blé pour l’élaboration des bières blanches. On peut aussi utiliser des « grains crus » c’est-à-dire non maltés dans la composition de la bière, l’ajout de riz rend la bière plus légère, le maïs donnera des bières moelleuses, etc.
L’orge est une des premières céréales que l’Homme a cultivé dès 8000 av. J.-C. en Mésopotamie. C'est une plante qui pousse assez facilement dans de nombreux environnements, on la trouve donc sur la totalité du globe de plus elle fournit un bon rendement. L'orge est particulièrement appréciée des brasseurs car sa germination est facile à forcer lors du maltage, et que son enveloppe épaisse lui permet à la fois une bonne conservation, se protégeant ainsi des infections, mais aussi une bonne filtration naturelle lors du brassage. Enfin, et c'est un point essentiel, l'orge est une céréale très riche en amidon. De fait, sa germination va produire de nombreux enzymes nécessaires à la décomposition de l'amidon.
Il existe 2 types d’orge l’un dit à 2 rangs, dont les grains sont implantés de part et d’autre de la tige (un épi plat) et l’autre à 6 rangs, dont les grains sont répartis de façon circulaire autour de la tige (épi cylindrique). De manière générale, c’est l’orge à 2 rangs qui est privilégiée par les brasseurs, car elle pousse en hiver et en été, contrairement au 6 rangs qui est une orge d’hiver. Elle a également une germination plus rapide et une plus faible teneur en protéines qui permet d’obtenir des bières peu troubles.
Le maltage :
On l’a dit le maltage est le processus permettant de rendre l’amidon, contenu de la céréale, fermentescible. Pour cela, on va faire germer la graine afin que les enzymes qu’elle contient ouvrent l’enveloppe de l’amidon et le découpe en plus petites molécules : glucose, maltose et dextrine. Ensuite comme on ne veut pas que la plante se développe, et consomme le sucre simple produit, on va stopper la germination grâce au séchage.
Semée en avril, récoltée dans la 2ème moitié du mois de juillet l’orge est nettoyée, triée et mise en dormance, c’est-à-dire stockée, dans le noir à l’abri de l’humidité, pendant 2 mois afin de l’assécher et de réduire ses défenses naturelles.
Pour faire germer le grain, il faut le réhydrater, c’est la trempe. Celle-ci dure 2 jours, dans une cuve avec alternance de mise en eau et de rinçage. Cette étape apporte l’humidité et l’oxygène nécessaires au développement du germe.
L’orge ainsi humidifiée va être amenée au germoir : lieu frais et bien ventilé pour la germination. Au bout de 24h le grain « pique » c’est-à-dire que la radicule (première racine) apparait, on va laisser les radicelles (racines secondaires) se développer pendant encore 3 à 5 jours. Pendant cette étape il faut remuer 2 à 3 fois par jour pour homogénéiser la température et l’humidité des grains et éviter qu’ils ne collent entre eux. C’est à ce moment que les enzymes sont libérées, on obtient du « malt vert ». Pour stopper la germination il faut assécher le grain : on va le tourailler.
Le touraillage consiste à supprimer l’humidité du grain pour suspendre les transformations dues aux enzymes. Pour cela, on commence par chauffer le grain à une température de 50-80° C qui sèche le grain puis on met un « coup de feu » à 80-120° C voire même plus fort, ce qui joue sur le type de bière que l’on veut produire.
En effet, ce sont les différentes températures et durées de chauffe du malt qui vont donner les différentes couleurs et goûts à la bière. Il s’agit de la réaction de Maillard : réaction chimique de brunissement des acides aminés (protéines) d’un aliment en présence de sucres et d’eau à chaud. Ce n’est pas une caramélisation mais plutôt une torréfaction comme pour le café ou le chocolat, d’ailleurs on retrouve les mêmes arômes.
Les malts pâles chauffés à 60°C donnent des bières blondes, ceux chauffés à 90°c font des bières ambrées, à 120°c des brunes et à 220°C des bières noires. Néanmoins, plus les malts sont touraillés, moins ils contiennent d’enzymes nécessaires à la transformation de l’amidon en sucres. C’est pourquoi ces malts spéciaux ne sont utilisés qu’en complément des malts de base.
Il suffit ensuite de dégermer, c’est-à-dire de retirer les radicelles, pour que le maltage soit terminé !
Pour la suite de la recette, rendez-vous dans nos prochains posts !