Mon colloc est un castor

Publié par Association Communicasciences, le 22 mai 2021   1.9k

Le castor européen est un mammifère qui avait entièrement disparu de la région Grand Est au XVIIème siècle. En effet, il ne restait plus qu'une dizaine de spécimens dans le Rhône quand celui-ci a été classé espèce protégée en 1968. Il est assez commun d’avoir une image négative de cet animal, par rapport à son mode de vie et d’alimentation pouvant occasionner des désagréments pour l’Homme ou de par sa ressemblance avec le ragondin. Et pourtant, la présence du castor peut également présenter un impact positif sur la biodiversité et l’environnement.


Un castor… ça dévore !

Le castor est un végétarien strict, il se nourrit exclusivement d'écorces en hiver, et de jeunes pousses, d’herbes, de feuilles et de tubercules en été. Ce mode d’alimentation est à l’origine des dégâts qu'il provoque au niveau des berges en s’attaquant aux arbres et aux plantations.

Le castor est une espèce ingénieur car il modifie son environnement à son avantage. En effet, ses barrages lui permettent de hausser le niveau de l’eau d'un cours d'eau où il s'installe afin d’immerger l'entrée de son gîte pour le protéger des prédateurs naturels comme le renard. Ses constructions servent à aménager le territoire afin d'augmenter la taille de son lieu de vie. Cependant, les barrages peuvent provoquer des inondations dans les prairies et les jardins qui longent les ruisseaux. Dans une telle situation, détruire le barrage ne semble pas être une solution adaptée car le castor est capable de le reconstruire en une seule nuit. La destruction de l’habitat d’une espèce protégée comme le castor est même interdite par la loi depuis le 1er juillet 2012.


Père castor a des solutions

Lorsque la cohabitation avec le castor devient compliquée, des solutions existent. Un Plan Régional d’Action nommé « Vivre avec le Castor » financé par l’Agence de l’eau et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) a été mis en place en région Grand Est afin d’encadrer la population de l’espèce et les problèmes de cohabitation qui y sont liés. Il est possible de contacter sa mairie ou de se rapprocher de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) qui vous redirigera sûrement vers l’une des trois associations du Grand Est en charge du suivi et de la préservation du castor :

  • le groupe d'étude et de protection des mammifères d'Alsace (GEPMA) :

                   contact@gepma.org - https://gepma.org/

  • le regroupement des naturalistes Ardennais (RENARD) : 

                  contact@renard-asso.org - https://www.renard-asso.org/

  • le groupe d’études des mammifères de Lorraine (GEML) : 

                 contact@geml.fr - http://geml.fr/

Une des solutions qui semble donner de bons résultats pour les cas présentant un réel problème, est la mise en place de siphons, soit l’insertion d’un tuyau de PVC grillagé à l’intérieur du barrage, sans le déranger, afin que l’eau s’écoule légèrement. Ce système permet de faire un compromis avec le castor : son gîte est toujours immergée, mais les inondations sont limitées voire évitées. Néanmoins, il est tout de même assez rare d’effectuer des « interventions » directement sur les barrages, ces solutions sont mises en œuvre en dernier recours. Concernant les attaques de castors envers les arbres et les plantations, il est possible de réaliser des bouturages de saule à proximité de son habitat, d’installer un grillage autour des arbres ou encore de poser du grillage électrique pour protéger les cultures.

Le déplacement des castors est extrêmement rare car l’opération est stressante pour l’animal et nous ne sommes pas à l’abri d’une recolonisation par d’autres individus. D’autant plus que cet acte est encadré par la loi et nécessite l’intervention d’un bureau d’étude et l’obtention d’une dérogation de la DREAL. Les démarches étant lourdes et onéreuses, il semble préférable de se tourner vers les associations qui sauront vous conseiller et vous accompagner pour trouver la solution la plus adaptée à votre situation.


Les impacts positifs

Les études manquent encore à ce sujet mais il semblerait que les constructions du castor pourraient avoir un impact sur la qualité de l'eau, la faune et la flore des zones où ces mammifères ont élu domicile. Dans certains cas, les populations de poissons et d'invertébrés des cours d'eau augmenteraient du fait de l’agrandissement de leur milieu de vie provoqué par les constructions du castor. En effet, le castor est une espèce parapluie car les modifications de l’environnement, notamment la création de zones humides, créent de nouveaux habitats pour d'autres espèces. C’est le cas dans la commune d’Oëlleville dans les Vosges où le castor a permis l’arrivée de crapauds communs et de bécassines sourdes.


Le suivi du castor en Grand Est

Aurélie Bisch, chargée de mission au GEPMA,  parle d'une dynamique positive de la colonisation du castor en Alsace depuis sa réintroduction dans les années 70-80. De plus, la cohabitation avec l’Homme ne semble pas être problématique outre mesure sur ce territoire.

D’après les échanges avec Tiphanie Gobert, chargée de mission au GEML, le constat semble être le même en Lorraine. Après réintroduction de 15 individus dans le département de la Moselle entre 1983 et 1984, on dénombrait en 2019 environ 800 individus sur le territoire lorrain, soit également une dynamique positive !

Dans l’ancienne région Champagne-Ardenne seuls quelques relâchés ont été réalisés en 1965 sur les étangs du Der en Hautes-Marnes. L’espèce colonise peu à peu les alentours, sur deux autres départements : l’Aube et la Haute-Marne. Mais la population décline dans les années 80 et ne se reconstitue pas, seuls quelques foyers isolés sont parfois observés. Il faut attendre 1998 pour un retour en force dans la région, depuis le nord des Ardennes. Cette colonisation est due à des relâchés « sauvage » en Belgique (a priori une centaine d’individus). Depuis cet événement, le castor ne cesse de recoloniser les territoires perdus sur ce département. Cette forte dynamique de développement amène le castor jusqu’en Lorraine par la Meuse et dans le département de la Marne depuis la rivière Aisne. Les populations Lorraine commencent également à essaimer depuis les Vosges sur le territoire Champardennais, dans la Haute-Marne. Entre la dynamique des populations ardennaises et lorraines, l’avenir du castor dans la Champagne-Ardenne semblent prometteur !


Découvrir le castor et aider à sa préservation

Afin de mieux connaître ces animaux et leur mode de vie, des animations tout public pilotées par la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM) sont organisées du 20 mars au 20 juin à l’occasion du "printemps des castors” en Alsace. De plus, dans le cadre du PRA, des prospections collectives et individuelles sont organisées dans toute la région Grand Est pour suivre l’espèce. En Alsace c’est 150 km de cours d’eau parcourus chaque année pour comptabiliser les castors du territoire.

En Lorraine, il est possible de participer aux prospections hivernales. Les novices seront accompagnés de bénévoles déjà formés à l’exercice et les habitués pourront se renseigner sur les zones de prospection prioritaires et prospecter en autonomie si ils le souhaitent. Chaque année, c’est entre 10 et 30 personnes qui se rassemblent pour parcourir quelques 300 km linéaires le long des cours d’eau ! Outre ces prospections, c’est une 50aine de bénévoles qui œuvre pour le suivi et la sauvegarde du castor sur le territoire lorrain.

Au vu du contexte sanitaire aucune sortie grand public n’est prévue sur le territoire Champardennais. Des animations scolaires sont néanmoins organisées, notamment sur des communes ou un travail de médiation a déjà été engagé avec la municipalité pour des problèmes de cohabitation.


Un immense MERCI à Aurélie Bisch de l'association GEPMA, à Tiphanie Gobert de l’association GEML et à Valentin Lequeuvre de l’association RENARD pour avoir pris le temps de répondre à nos questions et pour avoir partagé avec nous toutes ces précieuses informations. 

Merci également à Antoine Peultier, photographe naturaliste basé en Meurthe-et-Moselle pour les photos de castor.

 

Ressources bibliographique :

[1] http://www.grand-est.developpement-durable.gouv.fr/plan-regional-d-actions-en-faveur-du-castor-d-a18580.html

[2] https://www.usherbrooke.ca/environnement/fileadmin/sites/environnement/documents/Essais2011/Morin_R__17-01-2012_.pdf

[3] https://www.troisieme-planete.org/post/un-ami-alsacien

[4] http://www1.onf.fr/

[5] https://www.faune-alsace.org/index.php?m_id=20256

[6] https://www.faune-alsace.org/index.php?m_id=20036

[7] https://www.youtube.com/watch?v=iZK05K1P0IU

[8] https://side.developpement-durable.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/781318/impact-du-castor-sur-la-biodiversite

[9] http://www.grand-est.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/pra_castor_vf-2.pdf

 

Article par Charlotte Badesco, étudiante en licence 3 d’écologie à l’Université de Nantes ayant effectué un stage de journalisme scientifique au sein de Communicasciences. Rédaction encadrée par Anne Vicente, consultante en médiation des sciences pour l’association Communicasciences.