Rencontre avec Nadège Lagarde - Présidente de la SF2A
Publié par Planétarium du Jardin des sciences - Jardin des Sciences, le 26 juillet 2023 1.4k
A l’occasion de la journée annuelle de la SF2A (Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique), rencontre, au nouveau planétarium du Jardin des sciences - Université de Strasbourg, avec Nadège Lagarde. Présidente de la SF2A, chargée de recherche au Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux, spécialiste de la modélisation de l’évolution des étoiles et de la compréhension des populations stellaires dans notre galaxie, cette dernière a répondu à nos questions.
Qu’est-ce que la SF2A ? Quels sont ses objectifs ?
La SF2A est une société savante professionnelle qui a été fondée en 1978 et qui porte ce nom depuis 1999. J’en suis Présidente depuis 2022. Cette société a pour but de contribuer au développement auprès et au rayonnement de l'astronomie en France et y associer l’ensemble des spécialistes de l’astronomie concourant à ce même objectif. Nous menons plusieurs actions comme l'organisation des journées annuelles de l'astronomie française, qui ont eu lieu cette année à Strasbourg, et qui rassemblent un nombre record d'astronomes professionnels autour de divers sujets scientifiques.
Le premier objectif est bien sûr d’organiser des échanges entre professionnels tout en ayant à cœur de veiller à une diffusion plus large de nos connaissances auprès du public.
Un exemple ?
Nous avons mis en place depuis quelques années un appel d’offre annuel qui finance des actions de diffusion. Cette année, nous avons ainsi participé au financement d’une petite partie du Festival d’Astronomie de Haute-Provence organisé pour la première fois. Nous avons également financé une action mettant en relation des astronomes professionnels avec des classes dans des territoires isolés en France ou dans les DOM TOM. Via le réseau internet, nous avons pu ainsi organiser des visios, des Speed astromeetings comme on les appelle, permettent de connecter des astronomes et des enfants qui n’ont pas la chance comme ici à Strasbourg de venir dans un planétarium ou un observatoire.
Quel est le lien avec les astronomes amateurs ?
Nous avons une collaboration avec la Société Astronomique de France (SAF) qui est une société regroupant des astronomes amateurs. Ainsi en collaboration avec la SAF, nous avons pu organiser durant nos journées, un atelier regroupant amateurs (dont des strasbourgeois membres de la SAFGA) et professionnels. Nous avions 52 non professionnels cette année à Strasbourg.
Pourquoi des journées à Strasbourg ? Est-ce inédit ?
Le choix du lieu annuel des journées SF2A se fait par candidature l’année qui précède et selon la motivation de potentiels organisateurs en évitant un site trop récemment hôte afin d’amener la SF2A un peu partout en France. La dernière fois à Strasbourg, à mon avis, c’était en 2005. Vous me posez une colle. En tout cas, je pense avant que je ne travaille dans l’astronomie ! (rire). Et pourquoi Strasbourg ? Nous avons ici des équipes motivées dans un grand observatoire où les chercheurs sont nombreux et volontaires.
Adhérent SF2A : un choix personnel ou une obligation professionnelle ?
On devient membre de la SF2A à titre personnel, bien qu’il y ait un but professionnel.
Combien d’adhérents relativement au nombre d’astronomes en France ?
Nous atteignons 472 adhérents en 2023. Nous avons aussi un annuaire qui n’oblige pas à cotiser à la SF2A et qui compte aujourd’hui 1 600 inscrits. Disons que l’on a environ un tiers d’adhérents. Les membres SF2A ne sont pas forcément des personnes sur des postes permanents ; il y a des étudiants, des doctorants, postdoctorants, retraités… De fait, le nombre de membres fluctue au fil des années.
Revenons à l’interaction avec le milieu scolaire. Cette année, le Jardin des sciences, l’Observatoire de Strasbourg et leurs partenaires ont été au cœur du concours « Découvrir l’Univers ». Est-ce une première à la SF2A ?
Non pas du tout. Cela fait depuis 2009 que ce concours existe et il est ouvert aux classes se trouvant dans classes qui se trouvent dans la région où se tiennent nos journées annuelles - sauf en temps de COVID où il fut proposé dans toute la France. C’est toutefois une action qu’on tend à vouloir changer parce qu’il y a forcément des endroits où ne va jamais aller - par exemple, en Bretagne ou dans les DOM-TOM où il n'y a pas d'observatoires professionnels Nous pensons également aux classes francophones à l’étranger. C’est aussi ça notre but : faire rayonner l’astronomie partout en France, mais aussi dans les pays francophones. Inciter des classes à participer, c’est plutôt bien et j’avoue que cette année, j’ai été surprise par le nombre important de candidatures. C’est un vrai succès pour ce concours à Strasbourg dont j’ai pu apprécier les réalisations.
Quel regard portez-vous sur les planétariums relativement à votre communauté professionnelle ?
J’ai été subjuguée par la qualité de projection des données de recherches du CDS (Centre de Données de Strasbourg) sur le dôme de votre nouveau planétarium lors de notre soirée de gala. C’est extraordinaire ! J’ai du coup plein d’idées personnelles pour mes recherches. Je pense très sincèrement que l’on peut avoir des liens très intéressants pour visualiser nos travaux de recherches dans un planétarium comme le vôtre. Et puis, bien sûr, un planétarium est un outil formidable pour faire rêver les plus petits, mais aussi les plus grands. Et je ne suis pas la seule, de nombreux collègues ont continué à parler de cette belle présentation toute la soirée et le lendemain !
Quel devenir pour la SF2A selon vous ?
Désormais lors de nos journées, nous mettons en place des ateliers sociétaux au cours desquels on réfléchit tous ensemble sur des faits de société comme la transition écologique et l'impact de notre recherche sur le changement climatique. On arrive ainsi à rassembler notre communauté sur des sujets pas seulement scientifiques, mais aussi sociétaux. Sans oublier que les femmes restent encore minoritaires en astronomie ; on est seulement 28 % de femmes à ce jour. Nous avons désormais, durant nos journées, un atelier important sur la place des femmes en astronomie où nous faisons intervenir des sociologues pour nous aider à déconstruire les biais qui nous entourent.
Pour conclure : quelle phrase ou citation, personnelle ou non, illustrerait au mieux votre métier d’astrophysicienne, ou plus généralement l’astronomie ? Un espoir ? Un regret ?
Humm…Nouvelles colles ! Je dirais, la citation d’un astronome connu qui dit "Je ne crois pas que l'univers soit muet, je crois plutôt que la science est dure d’oreille " - Hubert Reeves. Je trouve que c’est joliment dit et que l’on a encore beaucoup de choses à découvrir dans l’Univers. Pour moi, en regardant loin, on peut comprendre ce qui se passe aussi sur Terre. Faire comprendre aux gens que si, nous astronomes, on regarde loin, on observe d’autres galaxies, on cherche d’autres mondes, le plus important c’est notre planète. Ça, c’est mon réel espoir. Je n’ai peut-être pas encore assez de recul dans ma carrière pour avoir un vrai regret.
Interview :
Jean-Yves Marchal - Médiateur Scientifique