Mercure révélée ? Un projet ANR explore les origines cachées des aubrites
Publié par CNRS Centre-Est, le 26 septembre 2024 170
Le projet ANR IMPAcToR se penche sur une hypothèse : et si les mystérieuses aubrites, des météorites rares, étaient en réalité des fragments de la planète Mercure, partiellement détruite dans sa jeunesse ? Grâce à une approche pluridisciplinaire, ce projet vise à tester cette théorie qui pourrait bouleverser notre compréhension de la formation des planètes telluriques et révéler des échantillons inédits de Mercure dans nos collections.
Pour en savoir plus sur le projet IMPAcToR, nous sommes allé à la rencontre de Camille Cartier, coordinatrice du projet.
CNRS : Sur quel sujet porte votre ANR ?
Camille Cartier : Mon projet ANR s’intéresse à un type de météorites très rares, appelées « aubrites », en faisant l’hypothèse originale qu’elles sont des morceaux de la planète Mercure partiellement détruite dans sa jeunesse. Les aubrites ont des points communs avec Mercure, notamment du fait qu’elles contiennent de nombreux minéraux exotiques qui n’existent ni sur Terre, ni même sur la Lune ou Mars. Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, on pense que ces aubrites ne proviennent pas de Mercure, car on a des preuves qu’elles sont des morceaux d’un certain type d’astéroïdes, les « astéroïdes de type E », qui se trouvent très loin du Soleil et de Mercure, au-delà l’orbite de Mars.
L’hypothèse que je propose est que ces astéroïdes de type E seraient en fait des débris de la planète Mercure, qui se serait formée il y a 4,6 milliards d’année beaucoup plus grosse qu’elle ne l’est actuellement, et qui aurait subi dans ses premiers millions d’années de vie un impact cataclysmique. Cet évènement aurait pulvérisé la quasi-totalité du manteau rocheux de la jeune Mercure. Une infime fraction des débris aurait ensuite fait le voyage jusqu’à la ceinture d’astéroïdes pour y devenir des astéroïdes de type E, source actuelle des météorites de type aubrite. L’objectif de mon projet ANR est de tester cette hypothèse dans tous ses aspects, grâce à une approche multi-disciplinaire.
A quel enjeu répond-il ?
Au-delà de s’intéresser à une obscure famille de météorites, ce projet touche en fait à plusieurs problématiques clés. Tout d’abord, l’origine de la planète Mercure est à ce jour inconnue. Or, Mercure est très importante dans les modèles de formation du système solaire, car c’est un cas extrême : c’est la planète la plus proche du Soleil, la plus petite, celle qui contient en proportion le plus gros noyau métallique, celle qui contient le plus de soufre, de carbone… Si l’hypothèse de mon projet est validée, cela signifie que Mercure s’est formée beaucoup plus grosse qu’elle ne l’est actuellement, il faudra donc intégrer cette nouvelle contrainte dans nos modèles de formation des planètes telluriques.
De plus, à ce jour, nous n’avons aucun échantillon de la planète Mercure, car il est pour l’instant techniquement impossible de poser un robot à sa surface ; la mission spatiale ESA en cours, BepiColombo, collectera des données uniquement avec des orbiteurs. Ce type de données est limité ce qui restreint bien sur énormément notre compréhension de cette planète. Si l’hypothèse est validée, cela signifie qu’on possède en fait des échantillons de la jeune Mercure dans nos collections, ce qui ouvre énormément de perspectives. Enfin, les aubrites ont beau être les météorites les plus rares, ce sont celles qui possèdent la signature isotopique la plus proche de la Terre, ce qui est à ce jour incompris. Ce projet devrait apporter des éléments pour contraindre cette question fondamentale en cosmochimie.
Ainsi, si le scénario proposé se révèle être correct, cela impliquerait que des débris de Mercure, éjectés par l’impact, se seraient écrasés sur Terre, participant ainsi à sa formation.
Que va vous permettre ce financement dans les prochaines années ?
Ce financement va me permettre de monter une petite équipe d’étudiants et de collaborateurs pour travailler sur le projet pendant quatre ans. Le cœur du projet consiste en une étude exhaustive d’une collection d’aubrites, avec l’ambition de réunir la collection d’aubrites la plus importante au monde. Le financement permettra d’acheter des météorites, du matériel pour les manipuler et les conserver car elles sont extrêmement fragiles, et de réaliser toute une batterie d’analyses pétrographiques, chimiques, isotopiques et magnétiques avec diverses machines (spectromètres de masse etc…) au CRPG, mais aussi dans d’autres laboratoires Nancéiens.
Mon projet contient également un important volet expérimental pour lequel le financement permettra d’acheter le matériel et les consommable nécessaires à la réalisation des expériences. Enfin, le financement permettra aussi de collaborer avec deux chercheurs travaillant dans le sud de la France, ainsi qu’à toute l’équipe de participer à des congrès pour présenter les résultats du projet.