Atelier

DE L’INTENTION A L’INTERFACE

L’humain par le progrès ne cesse de vouloir rendre plus performants les instruments qu’il utilise dans ses activités, qu’il s’agisse de les rendre plus robustes, plus précis, plus endurants voire plus personnalisables. La finalité poursuivie est celle d’obtenir de leur part une plus grande utilisabilité comme lui permettant d’atteindre plus facilement les objectifs qu’il s’est fixé.

L’affordance des interfaces homme-machine entendue comme la capacité à évoquer leur utilisation a fait l’objet de nombreuses recherches. Dans cette optique de rendre l’instrument toujours plus utilisable, les interfaces, d’abord adaptées car conçues par les développeurs pour une cible prédéfinie d'utilisateurs, sont progressivement devenues adaptables car directement modifiables par l’utilisateur lors de l’usage. Aujourd’hui certaines d’entre elles deviennent même adaptatives puisque permettant que l’adaptation soit prise en charge automatiquement par l’environnement support.

Les terminaux numériques sont ainsi devenus plus rapides, plus mobiles et encore plus interconnectés. La multimodalité comme portes d’entrées inter-communiquantes d’un même environnement agrégeant reconnaissance, tactile et mobilité s’est aujourd’hui imposée. Du point de vue de l’éducation l’usage du numérique à l’école a suscité beaucoup d’attentes et d’espoirs, qu’il s’agisse des enseignants, éducateurs et pédagogues ou des utilisateurs, parents et élèves.

Au-delà de l’effet des activités d’apprentissage médiatisées sur l’apprentissage, se pose la question de l’appropriation d’une interface graphique par un apprenant sur l’environnement support. Cette appropriation le détourne-t-elle de ses activités d’apprentissage à réaliser ou au contraire lui permet-elle de les réaliser de manière plus efficiente ?

L’interface nous donne aujourd’hui plus de contrôle sur ce que nous voulons obtenir à partir de ce que nous faisions déjà hier avec nos premières machines. Cette assertion est-elle exacte ?

N’est-elle pas une illusion entretenue par les promesses que nous font les interfaces graphiques hyper-désignés d’être toujours plus interactifs avec l’utilisateur, mais qui n’améliorent cependant pas l’utilisabilité des logiciels ?

Plus encore, ces interfaces que nous pensons maîtriser car requérant un temps de plus en plus réduit de maitrise, nous permettent-ils réellement de réaliser ce que nous souhaitions initialement faire ?

C’est pour répondre à ces questions que l’équipe Tec&Co du LISEC propose en partenariat avec l’ESPE de Strasbourg et dans le cadre de la Fête de la Science 2019, un atelier « de l’intention à l’interface » en direction des scolaires, collégiens lycéens et étudiants et du grand public, organisé sur 3 jours et à l’aide d’expérimentations scientifiques. Cet atelier s’appuie sur les travaux de recherches de Arnaud Zeller autour de l’impact de l’interface graphique sur l’apprentissage.

Il a pour objet de permettre à ceux qui y participeront et ceux qui assisteront aux expérimentations, d’approcher le pouvoir de détournement d’une interface graphique sur l’intention de l’utilisateur par l’évaluation de l’activité prescrite avec celle effectivement réalisée par les participants à l’aide d’un ordinateur.

A cet effet, 8 ordinateurs & tablettes reliés à des vidéoprojecteurs comme miroirs des activités réalisées en temps-réel, seront installés pour être utilisés à des fins d’expérimentations. Les utilisateurs vont être invités à créer une histoire à l’aide d’un logiciel, d’aide à l’écriture d’invention spécialement développé à cette occasion – Docyrus-StoryWriter qui recoure notamment à des procédés d’écriture automatique.

L’ensemble des actions de chaque utilisateur sur l’ordinateur sera enregistré en temps réel et de manière transparente, sous forme de traces numériques de bas niveau. Celles-ci seront immédiatement transformées en données de haut-niveau par un algorithme qui les rendra interprétables par l’utilisateur afin de lui permettre, à l’issue de son travail, de prendre connaissance des actions déclenchées comme résultat de ses interactions avec le logiciel et d’analyser le détournement possible de l’intention initiale par rapprochement du résultat obtenu avec la déclaration d’intention produite au début de l’atelier.

Cet atelier fera l’objet d’une valorisation par le LISEC auprès de la communauté universitaire et des partenaires socio-économiques. Elle visera à faire connaître et reconnaître le LISEC par la qualité de ses contributions à la recherche en éducation. Cette valorisation prendra notamment la forme d’un article rédigé par une ancienne journaliste et diffusé sur les sites internet du LISEC et de l’ESPE de Strasbourg, voire celui de l’Unistra.

Cette proposition s’inscrit dans le prolongement de l’atelier proposé lors de la Fête de la Science édition 2018, intitulé « Dessine-moi une interface », qui a rencontré un vif succès et qui donnera lieu à une communication prévue lors du colloque Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH) 2019 en juin 2019 à Paris (Sorbonne université).

En conclusion, les élèves ont jusqu’à présent appris durant des génération à utiliser des terminaux numériques pour réaliser des activités et produire des objets réels ou virtuels parfois éloignés de l’idée initiale.

Pour que dans le monde de demain, l’humain n’ait pas à se poser la question de la reprise de pouvoir sur la machine et que le virtuel complète utilement le réel, sans effet de détournement, peut-être faut-il désormais conscientiser le risque de détournement possible de l’intention par l’interface ?

C’est l’enjeu de cette proposition.